Ce matin j’ai rendez-vous à Lahitte-Toupière dans les Hautes Pyrénées, en face du kiosque. Je viens rencontrer M. Burger, 3° adjoint au maire, en charge de la vie associative sur la commune pour découvrir l’épicerie associative du village qui s’appelle bien évidemment : En face du kiosque !
Une épicerie multi-services
Dans cette épicerie, on trouve des haricots tarbais, du porc noir de Bigorre, du thé et autres douceurs au miel, de l’huile et des conserves de petits pois, mais on y vient également pour acheter son pain, envoyer des colis et admirer en passant les sculptures d’une artiste du village. Le dimanche midi, on peut boire un verre et partager un repas convivial. Un point “multi-services” comme on en trouve de plus en plus dans les communes, mais surtout, un espace pour créer du lien dans le village.
Produits locaux à l'épicerie En face du Kiosque
Un café pour recréer du lien
Quelques années auparavant, le maire de Lahitte - Toupière, M. Ré, s’aperçoit que le nombre de boulistes qui se réunissent le dimanche diminue. La commune compte 270 habitants, si elle ne perd pas de citoyens, elle est en train de perdre le lien entre habitants. Le maire décide donc de créer un bar associatif ouvert le dimanche midi pendant quelques heures pour que les habitants du village puissent se retrouver et boire un verre.
Et ça marche ! Très vite, les anciens prennent l’habitude de s’y réunir et les jeunes aussi ! Le café devient un lieu de rencontres et d’échanges. D’autres associations du village en profitent pour organiser des jeux, le comité des fêtes, très dynamique, propose des repas à thèmes et des concerts.
“ Pour qu’une commune rurale reste attractive, il faut sans cesse proposer de nouvelles choses.”
C’est ainsi que Frédéric Burger résume l’état d’esprit qui a poussé l’équipe municipale à créer ensuite l’épicerie solidaire. Le relais Poste existait déjà et faisait dépôt de pain, l’idée a donc été de tout rassembler en un même lieu. L’épicerie a commencé un partenariat avec le Super U voisin pour proposer des produits alimentaires “de dépannage” et a sollicité ensuite des producteurs locaux pour compléter le point de vente. Lancée juste avant le premier confinement, l'épicerie a trouvé rapidement ses clients : les habitants ont apprécié pouvoir faire les courses à proximité et la plupart ont continué. Sur un mois, le panier moyen est entre 100 et 150 euros par client.
Si les habitants participent à faire vivre l’épicerie, les marcheurs de St Jacques de Compostelle cheminant par Lahitte y trouvent également de quoi se ravitailler et se désaltérer au bar associatif. Les soirs de fête, les repas et concerts ont déjà rassemblé plus de 400 personnes ! On peut dire que la population du village double lors d’événements festifs !
“Respecter les anciens et écouter les jeunes.”
Voilà le 2° conseil de Frédéric Burger pour une vie de village épanouie ! “Ce n’est pas parce que nous sommes décideurs, que nous devons décider de tout. Nous sommes au service des habitants. Ici, lorsque quelqu'un vient avec une idée, un projet, on dit oui par principe. Après on regarde comment on peut faire !”
Ainsi le projet va évoluer et des travaux sont entrepris par la mairie pour agrandir l’espace afin d’y installer une cuisine avec une salle et une terrasse. Pendant l’été 2021, la commune a proposé à un traiteur de vendre des repas le vendredi midi : 30 à 50 repas par semaine ont été réalisés ! Le test de ce nouveau service est concluant et l’installation d’une cuisine permettra d’aller plus loin !
Des communes qui innovent
Depuis quelque temps, de nombreuses communes en France choisissent de développer des projets multi-services qui permettent de maintenir une activité et du lien entre les habitants. Chaque projet est unique et répond en général à des besoins spécifiques. Mais on peut noter des points communs :
Ce sont en général des lieux qui rassemblent des activités multiples et complémentaires qui vont permettre d’attirer du monde pour assurer un minimum de fréquentation. On vient poster un courrier, prendre du pain et boire un verre. Certains proposent un accès à internet, un petit espace de travail pour les télétravailleurs du coin, ou les touristes itinérants.
Le point Relais Poste et le dépôt de pain de l'épicerie de Lahitte - Toupière
Ces lieux s'appuient, pour être pérennes, sur une communauté engagée qui fait vivre l’activité, qui a intérêt à ce que continue d’exister ce service. Il ne s’agit pas que de consommer, il y a souvent des bénévoles en soutien. Et surtout il y a des rencontres intergénérationnelles, on se rend service, on apprend à se connaître, on partage des connaissances,...
Souvent ces projets sont à l’origine modestes. Comme on le voit ici, ça part d’une observation et d’une idée qu’on met rapidement en œuvre, au plus simple. Si ça marche, alors on développe autre chose, et petit à petit, l’activité se développe et devient unique car elle répond au vrai besoin des habitants.
Enfin, ces projets sont souvent hybrides dans leur montage économique et dans leur gouvernance. Ici ce qui compte c’est d’abord le service rendu, ensuite la rentabilité. Pourtant, ces initiatives sont soumises aux règles économiques et il faut donc trouver un montage astucieux. A Lahitte, c’est une employée communale qui assure la gestion de l’épicerie. Un poste co-financé par La Poste pour le point relais. La mairie a investi au départ pour la rénovation des bâtiments, a su trouver les subventions pour lancer l’activité. Mais il faut ensuite trouver un équilibre de fonctionnement. Aujourd’hui, en plus des subventions, il existe de nombreuses initiatives qui visent à accompagner le financement de tels projets comme, par exemple, Bouge ton coq ! une plateforme de dons pour financer des projets d’intérêt général dans les villages. Ou Comptoirs de Campagne qui aide les porteurs de projets à installer des comptoirs multi-services.
Les communes qui se lancent dans de tels projets participent à (ré)inventer le vivre ensemble dans la ruralité. Je repars de Lahitte - Toupière, avec la conviction que “ finalement, c’est simple !” . Encore une fois, tout part du besoin de créer du lien, on ose se lancer et faire un premier pas, et ensuite avec un peu de confiance et de ténacité, l’initiative prend son envol !
Pour découvrir une autre initiative communale innovante, cliquez ICI
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