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Photo du rédacteurAnne-Sophie Ketterer

Et si on créait une monnaie locale ?

8h30, la sonnerie retentit au lycée professionnel Francis Jammes d’Orthez . Aujourd’hui, j’ai rendez-vous avec Pauline Herrero, Mme Malzac, professeure d’économie et la classe de première Bac Pro commerce. Depuis quelques mois j’ai envie d’écrire un article sur la Tinda, la monnaie locale du Béarn. Pauline, salariée de l’association De main en main qui porte le projet, m'a conviée à ce cours bien particulier. En effet, c’est le mois de l’Economie Sociale et Solidaire et les enseignants de ce lycée ont décidé de faire intervenir des associations de l’ESS dans leurs cours, pour donner l’occasion aux jeunes de découvrir un autre modèle. J’en profite pour me joindre à eux et comprendre le sujet : la monnaie locale


Et si on créait notre propre monnaie ? C’est le pari que relève l’association De main en main, et bien d’autres en France !


Pourquoi créer sa monnaie ?

Avec les élèves du lycée, Pauline commence par un petit exercice pour apprendre à se connaître, puis elle propose un petit jeu sur le changement climatique pour savoir comment les élèves se sentent concernés par ces enjeux.. Le rapport avec le cours d’économie du jour ? Eh bien une monnaie locale permet de créer du lien entre les habitants d’un même territoire et c’est une initiative citoyenne qui apporte une solution locale pour réduire le réchauffement climatique.


En effet, lorsque nous achetons des objets ou vêtements, nous savons qu’ils sont produits à l’autre bout du monde dans la majorité des cas. Cela implique des émissions de CO2 pour le transport des marchandises et aussi pour leur production dans des États qui ont des normes environnementales moins strictes.

Avec la monnaie locale, comme son nom l’indique, vous ne pouvez acheter que des produits locaux… Certes, vous ne pourrez pas tout acheter .. loin de là, mais vous pouvez favoriser des partenaires locaux : des artisans, commerçants, indépendants qui acceptent d’être payés en Tinda plutôt qu’en euros. Vous achetez une baguette en Tinda, votre boulanger devra dépenser lui-même cet argent localement, et ainsi de suite.. On crée donc un écosystème autour de la monnaie locale. L’autre avantage.. c’est que la Tinda n’est pas une banque, vous ne pouvez pas épargner et donc cette monnaie circule plus vite !


Concrètement, comment ça se passe ?

Pour obtenir des Tinda, il faut se rendre à un comptoir d’échange : c’est un prestataire commerçant ou artisan, adhérent de l’association. qui vous échange 1 euro contre 1 tinda. Il n’existe que des billets de : 1 2 5 2 10 20 et 50 T! C’est aussi au comptoir d’échange que vous pouvez adhérer à l’association De Main en Main qui porte la monnaie locale.

Ensuite vous pouvez dépenser votre argent chez d’autres prestataires adhérents, que vous pouvez retrouver sur cette carte.

Bien sûr avec votre monnaie locale, vous ne pourrez pas acheter en dehors des frontières du Béarn ! Une monnaie locale correspond à un territoire (souvent une unité géographique et culturelle) avec des frontières.. Certaines monnaies comme le Sol Violette à Toulouse ne circulent qu’en ville. La taille du territoire dépend du projet que les citoyens ont eu envie de monter, et aussi de sa viabilité économique car pour que ça marche il faut suffisamment de prestataires adhérents et d’utilisateurs...


Les billets de la Tinda!


Mais est ce que tout ceci est bien légal ?

Oui, depuis 2014, l'État reconnaît l’existence et la circulation de monnaies locales entre personnes adhérentes d’une même association. Ce qui veut dire que pour acheter un bien avec la Tinda, je dois adhérer à l’association De main en main (pour 5euros) et le vendeur également. Il existe des règles strictes qui encadrent ces nouvelles monnaies qui se développent un peu partout en France pour éviter les fraudes. Aujourd’hui en Béarn, 45 000 T! sont en circulation. Les billets sont fabriqués comme pour l’ euro, à partir de papiers sécurisés, non falsifiables.


Le développement des monnaies locales

Il existe un réseau national : Monnaie Locale Complémentaire et Citoyenne qui répertorie toutes les initiatives locales (il en existe près de 80 en France, en projet ou circulation) et qui permet aux associations de s’entraider. L’Eusko, la monnaie locale du Pays Basque est la première monnaie locale en Europe : il y a 2 millions d’Euskos en circulation soit 2 millions d’euros ! Pourquoi ce succès ? L’association qui porte l’Eusko s’est professionnalisée avec 14 salariés, ils sont soutenus par les collectivités et la région. L’Eusko fait figure d’exception car pour la majorité des monnaies locales, l’initiative repose sur des bénévoles. Pauline pour la Tinda est la seule salariée.

Dans les Pyrénées, vous trouverez aussi la Sonnante en Bigorre, la Tousselle dans les Comminges, ou encore le Pyrène en Ariège.




Monnaies locales et résilience


Il y a un vrai intérêt à développer les monnaies locales qui sont un outil puissant pour un développement économique local et aussi pour le système monétaire global, car l’euro et les monnaies locales sont complémentaires. Dans le film Demain, un économiste de la banque WIR fait le parallèle entre une monoculture et nos monnaies : Lorsqu’ on a une monoculture de sapins par exemple, il y a beaucoup d’avantages en termes de production, mais la moindre maladie viendra détruire l’ensemble des sapins. La biodiversité d’une forêt garantit la résilience de celle-ci. Pour lui, il en va de même avec les monnaies, la diversité est un atout pour les économies locales en cas de crise internationale.

En terme de développement local et économique, une autorité locale, municipalité, département, … peut décider d’aller un cran plus loin : payer les salaires en partie en monnaie locale ! C’est ce qui s’est fait à Bristol en Angleterre notamment. Avec ce principe, l’argent circule encore plus dans l’écosystème local. C’est une décision politique forte et courageuse.

La banque WIR, présentée dans le film Demain est un initiative Suisse non pas locale mais sectorielle : Cette coopérative a créé une monnaie à l’échelle du pays réservée aux PME pour payer leurs échanges réciproques. Dans ce cas de figure, la WIR prête aussi de l’argent en WIR à un taux plus faible.

La Tinda! ne peut pour le moment pas prêter de l’argent, ou créer des comptes épargnes. Si cela était possible, les épargnants pourraient choisir de faire travailler leur argent pour des projets locaux et solidaires par exemple. Car dans une banque classique, notre argent travaille pour des entreprises dont nous ne connaissons pas vraiment les actions.. voire pour lesquelles nous savons que leur activité est nuisible à l’environnement ou non éthique… Développer l’épargne locale et solidaire en monnaie locale peut aussi être un fort levier de développement économique responsable !





Pauline est fière de travailler pour la Tinda! car elle contribue ainsi directement à proposer une alternative économique à impact et à créer du lien entre des porteurs de projets qui ont les mêmes valeurs que l’association : Local, Social, Environnement, Éthique.

Pour les lycéens … la Tinda, c’est “stylé” ! Cette monnaie locale les a-t-elle inspirés ? Peut-être que la Tinda pourrait être un moyen de dynamiser la boutique du lycée tout en faisant vivre des artisans locaux.. Un projet qui reste à mûrir et à développer, mais une petite graine est plantée ...




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